Une entreprise peut-elle saisir les prud’hommes ? Dans quel cas ?
Le conseil de prud'hommes est le seul organisme compétent en France qui est chargé de régler les litiges individuels qui peuvent survenir à l'occasion de la vie d'un contrat de travail (conclusion, exécution et rupture) entre un employeur et un salarié.
Même si les prud'hommes sont majoritairement saisis par les salariés, une entreprise a aussi le droit de recourir à cette démarche en cas de différend avec un salarié à partir du moment où elle intervient dans le cadre du droit privé, notamment en ce qui concerne les contrats de travail. La saisie des prud'hommes à l'initiative d'une entreprise est assez rare et peut concerner notamment le non-respect d'une clause de confidentialité par un salarié ou avoir pour but pour un employeur d'obtenir une indemnisation en cas de non-respect d’une clause de non concurrence, par exemple, soit suite à un préjudice causé par un salarié à l'entreprise.
Dans quels cas un employeur peut-il saisir les prud'hommes ?
Le conseil de prud'hommes (CPH) est compétent pour traiter des litiges individuels lorsqu'un différend en lien avec un contrat de travail de droit privé intervient entre une entreprise, et plus précisément, entre un employeur ou son représentant et un salarié, que ce soit à l'occasion de la conclusion d'un contrat de travail, lors de l'exécution de ce dernier ou de sa rupture. En résumé, les prud'hommes s'intéressent aux relations individuelles de travail dans l'entreprise.
En revanche, le CPH n'a pas vocation à régler des litiges en matière de sécurité sociale, d’élection professionnelle ou relatifs à un conflit collectif du travail.
Le conseil de prud'hommes, qui est divisé en 5 sections autonomes en lien avec des activités professionnelles différentes (encadrement, industrie, commerce et services commerciaux, agriculture, et activités diverses) est composé d'un collège d'employeurs et d'un collège de salariés qui sont des juges non professionnels, mais des experts du monde du travail et de ses aspects réglementaires. L'ensemble de ces conseillers disposent des mêmes voix pour juger les litiges dont ils sont saisis et qui sont statués à la majorité.
En vertu de l'article L1441-1 du Code du travail "Les conseillers prud'hommes sont nommés conjointement par le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre chargé du travail tous les quatre ans par conseil de prud'hommes, collège et section, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles". Avant 2016, les conseillers prud'hommes étaient élus.
Tout comme les salariés, les employeurs peuvent saisir gratuitement les prud'hommes si leur entreprise relève du droit privé ou s'ils emploient des personnes dans les conditions du droit privé.
En effet, le conseil de prud'hommes n'est pas compétent en matière de contrat de travail de droit public. Dans ce cas-là, c'est le tribunal administratif qui a vocation à régler ce type de litige.
Les cas pour lesquels une entreprise peut saisir les prud'hommes sont précisément définis et être relatifs au non-respect d'une obligation légale, contractuelle, conventionnelle, transactionnelle de la part d'un salarié ou lorsque la responsabilité civile de ce dernier est mise en cause.
Les litiges concernés doivent ainsi être en rapport avec :
- un abandon de poste d'un salarié ;
- un préavis non effectué ;
- un vol ou une dégradation des biens de l'entreprise ;
- le non-respect d'une clause de non-concurrence ;
- le refus d'un salarié de rembourser un trop-perçu de salaire, de prime, d'indemnité, etc. ;
- la contestation d'éléments d'ordre médical émis par le médecin du travail dans le cadre d'une inaptitude d'un salarié.
Quelle procédure pour une entreprise qui saisit les prud'hommes ?
Afin de saisir le conseil de prud'hommes, une entreprise doit présenter une requête, c'est-à-dire une réclamation destinée à régler le différend en cause avec un salarié, soit sur papier libre, soit par le bais d'un formulaire dédié (cerfa n° 15587*07). Une démarche qui est gratuite pour une entreprise.
Cette requête peut être adressée au greffe du conseil de prud'hommes par courrier (recommandé ou non) ou déposée directement auprès de ce dernier.
Cette demande de saisine des prud'hommes, qui doit être datée et signée par l'entreprise, doit comporter les éléments suivants :
- les coordonnées de l'entreprise ou de l'employeur ;
- les coordonnées du salarié concerné par la saisie du CPH, afin qu'il puisse être convoqué par le conseil de prud'hommes ;
- l'objet de la demande de saisie des prud'hommes ;
- un exposé sommaire des motifs de la demande de saisie du CPH par l'entreprise, comprenant les sommes réclamées en réparation du préjudice subi.
Toute autre pièce justificative du litige entre une entreprise et l'un des ses salariés peut accompagner cette demande. L'ensemble de ces pièces sont consignées sur ce que l'on appelle un "bordereau de communication de pièces", qui doit aussi être communiqué au salarié concerné.
Une phase de conciliation
La saisine des prud'hommes, que ce soit par une entreprise ou par un salarié, débute toujours obligatoirement par une phase de conciliation devant le bureau de conciliation et d'orientation (BCO) des prud'hommes au cours de laquelle l'employeur et le salarié concernés par le litige sont convoqués à une audience à huis clos et où l'entreprise peut se faire assister ou représenter.
Le BCO est composé d'un conseiller prud'homme employeur et d'un conseiller prud'homme salarié.
Si l'entreprise ne se présente pas à cette convocation, sa requête auprès des prud'hommes peut être considérée comme nulle.
Malgré tout, certaines situations font l'objet d'une dérogation à cette règle de conciliation.
À l'issue de la phase de conciliation, si un accord est trouvé entre l'entreprise et le salarié concerné, le litige est considéré comme réglé, et fait l'objet du versement de ce que l'on appelle une indemnité forfaitaire de conciliation.
Une procédure de jugement éventuelle
Dans le cas où le litige entre une entreprise et un salarié n'est pas réglé à l'issue de la phase de conciliation, une procédure est lancée : le différend fait ainsi l'objet d'un jugement devant le bureau de jugement des prud'hommes qui est en charge de trancher le litige en cause et qui convoque l'employeur et le salarié.
Le bureau de jugement est composé de deux conseillers prud'hommes employeurs et de deux conseillers prud'hommes salariés.
Au cours de l'audience de jugement, qui est publique, chaque partie (ou leurs représentants) a l'occasion d'exposer ses arguments.
Le bureau de jugement peut rendre sa décision, qui est prise à la majorité absolue des voix des conseillers prud'hommes et secrètement, tout de suite à la fin de cette audience ou ultérieurement à une date qui est communiquée aux deux parties.
Faire appel d'un jugement des prud'hommes
Une entreprise peut faire appel du jugement rendu par les prud'hommes, c'est-à-dire saisir la cour d'appel compétente dont dépend le conseil de prud'hommes qui a rendu son jugement, en principe dans un délai d'un mois, sauf si le litige jugé porte sur une demande d'indemnisation ne dépassant pas 5 000 euros.
En dernier recours, une entreprise peut contester le jugement de la cour d'appel en formant un pourvoi en cassation destiné à contester une décision de justice jugée contraire à la loi ou lorsque la procédure n'a pas été respectée.
Lors de la saisie des prud'hommes par une entreprise, il existe aussi une procédure appelée "en référé" qui n'a pas besoin de passer par la phase de conciliation. Cette procédure concerne des saisies "évidentes et urgentes" des prud'hommes par une entreprise, c'est-à-dire qui concernent des sujets tels que, par exemple, la contestation d'éléments de nature médicale émis par le médecin du travail qui impliquent des mesures conservatoires, ou encore une requête dont l’objectif est de faire cesser un trouble manifestement illicite au sein d'une entreprise.
À l'occasion de la saisie des prud'hommes, une entreprise peut se faire assister ou représenter par un employeur appartenant à la même branche d'activité, son époux ou épouse, son partenaire de Pacs, son concubin ou un membre de son entreprise.
Un employeur qui engage une procédure auprès des prud'hommes peut aussi recourir à un avocat ou non, ou un défenseur syndical désigné dans chaque région sur proposition des organisations syndicales d'employeurs et de salariés.
Une entreprise qui saisit les prud'hommes peut être informée de l'avancée de son dossier en le consultant en ligne. Elle a aussi la possibilité de recevoir par communication électronique les avis, récépissés et convocations transmis par le greffe du conseil de prud'hommes.
Comment une entreprise peut-elle être conseillée quand elle saisit les prud'hommes ?
Une entreprise a la possibilité de se faire accompagner et conseiller pour saisir les prud'hommes, ou éviter d'ailleurs cette procédure.
Les défenseurs syndicaux peuvent ainsi jouer ce rôle auprès des entreprises. Il est possible de connaitre le défenseur syndical compétent en consultant la liste où ils sont tous inscrits et qui est tenue à la disposition du public à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de chaque conseil de prud’hommes, ainsi que dans chaque cour d’appel de région.
Une entreprise qui souhaite saisir les prud'hommes peut aussi trouver du soutien et des conseils auprès des permanences juridiques proposées par les syndicats d'employeurs dont celles des syndicats qui sont reconnus comme représentatifs au niveau national, c'est-à-dire le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), l'Union des entreprises de proximité (U2P) et la Coordination nationale des indépendants (CNDI).
Une employeur peut également se tourner vers l’inspection du travail ou la direction départementale du travail, un avocat en particulier ou se rendre à l'une des consultations gratuites d’avocats qui se déroulent en général au sein des mairies, des tribunaux judiciaires, des centres départementaux d’accès au droit, des points d’accès au droit, ou encore des maisons de justice et du droit.
Quel conseil de prud'hommes saisir pour une entreprise, et dans quels délais ?
En cas de litige dans une entreprise dont le règlement relève de la compétence du conseil de prud'hommes, et que ce dernier est saisi par l'employeur, les prud'hommes habilités dépendent du lieu où le contrat de travail est exécuté.
Si le salarié concerné par le différend avec son entreprise travaille dans les locaux de cette dernière ou dans l'un de ses établissements, l'employeur doit saisir le conseil de prud'hommes du lieu où le salarié travaille, où son contrat de travail a été conclu ou du siège social de l'entreprise.
En revanche, si le salarié exécute son contrat de travail à son domicile ou, en tous les cas, en dehors des murs de son entreprise, le conseil de prud'hommes compétent que l'entreprise doit saisir est celui du lieu de résidence du salarié.
À savoir : le ministère de la Justice met à disposition sur son site Internet un annuaire des conseils de prud'hommes classés par code postal, ville, département ou région.
Les délais à respecter
Une entreprise peut saisir les prud'hommes mais dans des délais strictement définis selon la nature du litige. Cette démarche d'un employeur n'est ainsi pas possible au-delà de :
- 12 mois à partir de la notification d'une rupture du contrat de travail ou de la date d’homologation de la convention en cas de rupture conventionnelle ;
- 2 ans à compter du moment où l'entreprise a eu connaissance du défaut d’exécution du contrat de travail qui l'amène à saisir les prud'hommes ;
- 3 ans après avoir eu connaissance du défaut d’exécution portant sur le paiement du salaire (le non remboursement d'un trop-perçu par un salarié, par exemple) à l'origine de la saisine du conseil de prud'hommes ;
- 5 ans à compter de la révélation d’une discrimination ou en cas de harcèlement sexuel ou moral.
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